Nous sommes tous sortis du monde : oui, sortis et non venus au monde. Sortis comme le fruit sort de l’arbre. En tant que bébé, nous étions une adorable petite chose. Mais pour lui-même le bébé est tout sauf une chose. Il est Dieu lui-même, sans possibilité de se reconnaître. Il est l’Ouvert, le Grand Ouvert. Il n’est pas dans une croyance de séparation, parce qu’il ne « pense » pas encore qu’il a une forme et un nom (rupa et nama).
Entre le sein gonflé de lait qui s’approche et la sensation de faim, il n’y a pas de barrière, de séparation. Le bébé ne vit pas un intérieur qu’il pourrait opposer à un extérieur. Tout se passe en lui, il n’a aucune limite, mais tout cela sans conscience d’être.
C’est pourquoi l’Inde spirituelle compare le Sage a un enfant illuminé. Dans la petite enfance nous avons vécu la liberté et c’est inoubliable. Mais tout change. Le processus d’exil qui va provoquer la nostalgie commence vers l’âge d’un an et se confond avec ce que la psychologie nomme l’acquisition de la personnalité. Qui est bien sûr un processus naturel et nécessaire. Tous les enfants doivent passer par là : un apprentissage par lequel cette conscience non encore capable d’être consciente d’Elle-même va finir par croire qu’elle est une petite fille nommée Jeanne ou un petit garçon appelé François. Parfois, les parents en rajoutent.
J’ai le souvenir de deux ou trois personnes qui ont retrouvé douloureusement en lying ce moment de totale incompréhension où leur père ou leur mère leur avait signifié leur statut de petit humain séparé. Ils avaient vécu cela comme un enfermement très pénible, voire une effroyable limitation.
Paradoxalement, une partie du rôle des parents, même de parents spirituellement conscients, est d’enseigner à l’enfant à s’identifier à son apparence, à sa forme, à son nom. La leçon est rude, de toute évidence longue à apprendre, à la fois tragique et indispensable. C’est comme une porte sur l’Absolu, une porte qui se ferme lentement, inexorablement. Le rôle de l’éducation n’est donc pas d’empêcher l’identification au moi mais de faire en sorte que cette identification soit le moins rigide possible, afin qu’à l’âge adulte, le chemin inverse puisse s’accomplir sans rencontrer d’obstacles trop difficiles à franchir.
La branche de la psychologie moderne qui étudie ces processus s’appelle la psychologie génétique, développée par Piaget, Wallon et leurs élèves. Ces auteurs nous disent que le processus d’acquisition de la personnalité se termine et se verrouille vers l’âge de 7 ans. Sept ans, ce qu’on appelle l’âge de raison. À sept ans, nous sommes devenus, comme le dit Allan Watts, d’authentiques contrefaçons. En ce qui me concerne, j’aime bien utiliser le mot « chose ». À sept ans, sous la pression nécessaire de l’environnement, nous nous sommes chosifiés.
Nous sommes devenus ce que les autres voient de nous. Nous sommes devenus l’image sur la photo, ou dans le miroir.
(à suivre)
.
Entre le sein gonflé de lait qui s’approche et la sensation de faim, il n’y a pas de barrière, de séparation. Le bébé ne vit pas un intérieur qu’il pourrait opposer à un extérieur. Tout se passe en lui, il n’a aucune limite, mais tout cela sans conscience d’être.
C’est pourquoi l’Inde spirituelle compare le Sage a un enfant illuminé. Dans la petite enfance nous avons vécu la liberté et c’est inoubliable. Mais tout change. Le processus d’exil qui va provoquer la nostalgie commence vers l’âge d’un an et se confond avec ce que la psychologie nomme l’acquisition de la personnalité. Qui est bien sûr un processus naturel et nécessaire. Tous les enfants doivent passer par là : un apprentissage par lequel cette conscience non encore capable d’être consciente d’Elle-même va finir par croire qu’elle est une petite fille nommée Jeanne ou un petit garçon appelé François. Parfois, les parents en rajoutent.
J’ai le souvenir de deux ou trois personnes qui ont retrouvé douloureusement en lying ce moment de totale incompréhension où leur père ou leur mère leur avait signifié leur statut de petit humain séparé. Ils avaient vécu cela comme un enfermement très pénible, voire une effroyable limitation.
Paradoxalement, une partie du rôle des parents, même de parents spirituellement conscients, est d’enseigner à l’enfant à s’identifier à son apparence, à sa forme, à son nom. La leçon est rude, de toute évidence longue à apprendre, à la fois tragique et indispensable. C’est comme une porte sur l’Absolu, une porte qui se ferme lentement, inexorablement. Le rôle de l’éducation n’est donc pas d’empêcher l’identification au moi mais de faire en sorte que cette identification soit le moins rigide possible, afin qu’à l’âge adulte, le chemin inverse puisse s’accomplir sans rencontrer d’obstacles trop difficiles à franchir.
La branche de la psychologie moderne qui étudie ces processus s’appelle la psychologie génétique, développée par Piaget, Wallon et leurs élèves. Ces auteurs nous disent que le processus d’acquisition de la personnalité se termine et se verrouille vers l’âge de 7 ans. Sept ans, ce qu’on appelle l’âge de raison. À sept ans, nous sommes devenus, comme le dit Allan Watts, d’authentiques contrefaçons. En ce qui me concerne, j’aime bien utiliser le mot « chose ». À sept ans, sous la pression nécessaire de l’environnement, nous nous sommes chosifiés.
Nous sommes devenus ce que les autres voient de nous. Nous sommes devenus l’image sur la photo, ou dans le miroir.
(à suivre)
.
10 commentaires:
J'aime beaucoup cette photo de toi :-)), je l'ai aussi à la maison !
je pensais que c'était toi Julie...
Merci Coach ! ;)
Joseph en voyant la photo : "Tiens c'est bizarre je m'en souviens plus quand papy était comme ça" ;-)
si,si papy est toujours comme ca,sa forme a just legerement change.Maintenant il a les cheveux moins longues...
Oui, l'image dans le mirroir.
Et que se passe-t-il quand on met deux mirroirs face à face?
Vraiment, completement, exactement face à face!
Jacques
Aujourd'hui de nombreux auteurs considèrent que les processus d'acquisition de la personnalité s'achève plutôt vers l'âge de 6 ans.
A mi-parcours, donc vers 3 ans, se met en place ce qu'on appelle "la représentation de soi-même". Avant cet âge l'enfant n'a qu'une très faible représentation de lui-même et s'il veut exprimer quelque chose qui le concerne, il utilisera la 3e personne ou bien le prénom qu'on lui attribue. Après, il commence à dire "je" et "moi" et il accède à une représentation sensorielle (image-son-sensation) de ce moi. Le plus important c'est que cette représentation qu'il construit à partir des "reflets" que son entourage lui renvoit, soit positive et fonctionnelle. L'identification est nécessaire pour que l'enfant puisse trouver sa place dans la vie sociale et se développer.
Si l'enfant évolue dans l'ambiance d'une vie spirituelle de qualité, il trouvera plus tard des ressources pour franchir les barrières de cette identification. Mais chaque chose en son temps...
Un exercice très fructueux, pour l'adulte que je suis : explorer qu'elle est la représentation que j'ai de moi-même, car tous les jours "je deviens ce que je me représente que je suis" - cela me paraît être un pas décisif vers l'éveil.
Jaques,j'aime ta question"et que se passe-t-il quand on met deux mirroirs face a face..."Essaye de le faire.
Mais toi,Jaques tu ne le saurais jamais,n'est pas?
sortir du monde,c'est tres interessant comme expression.
Si je comprends bien,naitre,sortir du monde se passe vers l'age de 3,6ou 7 ans progressivement avec la naissance de la personalite,donc la chosification.
Avant,comme bebe le monde est en nous,nous sommes le monde sans le savoir.Pour pouvoir le savoir,etre conscient il faut passer par cette naissance douloreuse.Vivre la naissance!
A Christian :
cela me fait penser à mon père, qui dans sa dernière période de vie, seul et handicapé dans sa petite maison normande tenait un livre de bord dans lequel il définissait l'homme qu'il désirait être en quelques mots, avec dessin à l'appui : un homme sain, valide et autonome, vraiment adulte.
gjm
Enregistrer un commentaire