mardi 14 octobre 2008

L'odyssée amérindienne (1)


Je ne sais pas si c’est parce qu’elle s’appelle Julie, mais j’ai trouvé sa dégaine sympathique sur la photo de couverture. Et puis le sous-titre était parlant pour moi : « Alaska – Terre de Feu, à la rencontre des peuples premiers ». L’aventure humaine qu’elle raconte est intéressante non seulement par ce que l’on apprend de la vie des peuples premiers des Amériques aujourd’hui mais aussi par ce que l’on perçoit du changement, de l’ouverture et du questionnement de plus en plus profonds de l’auteur.
Alors j’ai envie de vous livrer quelques extraits en feuilleton… C’est un retour au blog que j’avais délaissé un peu , déménagement oblige, et que je délaisserai de nouveau bientôt pour cause de long séjour dans le Hoggar…mais nous n’en sommes pas encore là !!
Ce premier extrait nous parle des Tarahumaras qui avaient tant fasciné Antonin Artaud et qui s’appellent eux-mêmes le Raramuris. Je trouve beaucoup de points communs avec ce que j’ai pu observer au campement Touareg.



« Victoria parle très peu espagnol. Du coup, les questions que nous lui posons se limitent à ses activités quotidiennes.
-Qu’est-ce que tu fais ? lui demandé-je alors qu’elle verse la pâte de maïs dans une jarre pleine d’eau posée au-dessus du feu.
- Tesguïno !
La bière de maïs…Si nous savons que le tesguïno est une institution pour les Tarahumaras, en revanche, nous ignorons à quelle occasion on le fabrique. Innocente, que nous interrogeons, nous fournit une réponse évasive. Ce n’est pas la première fois que nous le questionnons et, nous restons souvent sur notre faim ; c’est comme si nos questions l’importunaient, comme si notre curiosité ne pouvait se satisfaire de mots. Innocente ne semble pas pour autant être las de notre présence. Malgré sa maîtrise de l’espagnol, il ne recherche pas la conversation : ni avec nous, ni avec sa famille, ni avec ses voisins. Les choses étaient du même ordre avec Javier. Il nous est difficile d’apprécier ce mode de communication silencieuse. Jusqu’à présent les indigènes rencontrés n’étaient pas avares d’explications. Mais, il faut bien l’avouer, il semblerait que ce soit ceux qui parlent le moins de leur culture qui la vivent le plus intensément. Les Raramuris sont ainsi : ils vivent, un point c’est tout. C’est dans les actes et non dans les mots qu’ils affirment leur appartenance à leur terre et leur identité. Pour les comprendre, il faut apprendre à se taire et observer…
Nous passons donc de longues et silencieuses heures auprès de la famille, assistant aux différentes phases de la préparation de la bière qui ne sera prête que le lendemain, quand le sucre et la levure ajoutés à l’eau de cuisson du maïs auront fait leur effet.
En fin de journée apparaissent au détour du sentier deux petites filles qui sourient timidement en nous voyant. Suzana et rosa, les deux aînées du couple, rentrent de l’école où elles sont hébergées toute la semaine. Aujourd’hui c’est vendredi, le début du week-end : la Tarahumaras ce sont mis à l’heure occidentale pour certaines choses…
- L’école, c’est loin d’ici ?
- -Non, elle est au village !
Ainsi donc, les filles sont logées à l’internat qui se trouve à moins de dix minutes à pieds de leur maison !
Résultat des méthodes du gouvernement pour convaincre enfants et parents de l’importance de l’école : là-bas, on nourrit les mômes trois fois par jour, ce qui n’est pas négligeable pour un peuple souffrant de malnutrition. On prodigue également aux enfants des soins dentaires et des vaccinations. Mais ce n’est pas sans inconvénient : les enfants s’accoutument ainsi aux aliments manufacturés, trop sucrés ou trop salés. Ces procédés éducatifs tendent à se généraliser au Mexique ; or, selon ses détracteurs, ,ils avilissent plus qu’ils n’aident les populations démunies. Ainsi les générations futures deviennent peu à peu dépendantes d’un mode de vie qu’elles ne pourront pas conserver en restant dans leurs villages. Dans quelques années on pourrait du coup assister à un exode rural des derniers peuples indigènes vivant de façon traditionnelle. Une manière peu coûteuse de récupérer des terres pour en faire d’immenses exploitations dédiées à certaines culture, très en vogue – le maïs transgénique, pour ne citer qu’un exemple – dans notre société mondialisée… »

L'odyssée amérindienne
Julie Baudin
Ed Glénat p165-167



2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cela décrit sans que cela ne soit trop rude à lire.
C'est bien ,
et j'en prend exemple.

Anonyme a dit…

"Apprendre à se taire et observer..."