mercredi 29 octobre 2008

Le miroir initiatique (3)

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L’enfant est devenu son visage du miroir, son apparence, il est chosifié, enfermé dans la croyance qu’il est comme les autres personnes, qu’il est ce qu’il voit dans la glace, une chose limitée et bien fragile. C’est le début de l’inquiétude, de la peur et de l’angoisse.

C’est la deuxième étape du mythe lorsque Narcisse cherche à s’identifier avec son image, se rapproche, essaye de se confondre avec son reflet, tombe dans le lac et meurt noyé. Bien sûr, le jeune « pré-ado » de 10 ans ne meurt pas, mais il a pris ses quartiers dans le pays de la mort, il a été exilé du pays de la vie éternelle. Il est maintenant comme tous les soi-disant adultes, décentré, aliéné, egocentré, séparé et isolé, dans un monde facilement hostile.

Peut être ne faut il pas aller chercher beaucoup plus loin le malaise manifesté plus ou moins violemment à cet âge de la vie. Bien sûr le jeune enfant n’en a pas conscience, mais quel drame ne vit-il pas ? Il a perdu le contact avec ses racines, il est devenu son image.

L’essence est devenue l’apparence ; le centre est passé à la périphérie. L’expérience est devenue la croyance.
A ce stade, il est important de s’attarder sur le processus de limitation, d’enfermement, d’identification, qui est essentiellement l’identification à une partie bien précise du corps humain : le visage, la face, ou si vous préférez la tête.

A bien des égards nous sommes ou plutôt nous croyons être notre visage. Lorsque nous reconnaissons notre visage sur une photo, nous disons « Ah, c’est moi ! » Sur notre carte d’identité, ce qu’Arnaud Desjardins appelle la carte d’identification, ce n’est pas le bas de notre dos ou notre mollet gauche qui est photographié, c’est évidemment le visage. Pour retrouver un criminel, la police essaye de dresser un portrait robot.

Oui, on peut dire qu’inconsciemment l’homme est son visage. La personne est un visage. Si nous nous intéressons au mot personne, comme l’a fait par exemple si brillamment Michel Fromaget dans sa thèse d’anthropologie « Corps, Ame, Esprit » , nous découvrons que l’origine du mot remonte aussi bien pour les Grecs que pour les Latins aux masques que portaient les acteurs dans le théâtre antique. Les masques antiques en Grèce s’appelaient « prosopon » ce qui veut dire ce qui est devant la face, le visage. Puis ce mot a désigné le rôle joué par l’acteur, et progressivement la personne. Du côté de Rome, les masques des acteurs étaient désignés par le mot persona, per-sonare, c’est à dire, à travers quoi passe le son. Ces masques servaient aussi de mégaphones. Puis comme chez les Grecs, le même glissement de sens s’est opéré pour aboutir à ce que « personne » désigne l’individu.

Il est donc évident que le processus d’acquisition de la personnalité est pour une part essentielle l’acquisition du masque, du visage. C’est le visage qui fait l’homme, et c’est la mémoire qui fait le visage. Et de la même façon que l’acteur n’est pas le masque, notre véritable nature n’est pas la personne.

Toute, je dis bien toute notre problématique spirituelle c’est de dégager, désidentifier la conscience de ce « masque antique ». L’expression convient parfaitement car nous le verrons plus tard, pour tout être humain, l’expérience ici et maintenant de son visage, est formellement impossible en tant que forme et donc ne peut être que l’importation d’un antique souvenir. Nous pouvons donc affirmer que le processus de désidentification au corps physique est avant tout une désidentification par rapport au visage.

Mais est-ce la fin de l’histoire ? Lorsque qu’au début de l’adolescence le jeune humain est devenu littéralement son visage, enfermé derrière la façade virtuelle de sa face, y a t’il une possibilité de rouvrir la porte, de se retourner et de découvrir ou plutôt de retrouver ce qu’il y a derrière ? Y a t ’ il une possibilité d’inverser le processus, de faire à l’envers le chemin de l’emprisonnement ?

(à suivre)
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5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne demanderai pas au reflet dans l'eau qui est la plus belle du royaume.
Je lui demanderai de s'effacer pour qu'apparaisse le Ciel et que je puisse m'y baigner.
Isabelle

akidbelle a dit…

Personne, un de ces mots qui veut dire son contraire, par definition.
Une personne.. ..et y'a personne.
Le meme mot pour designer une presence et une absence.
Etonnant, non?
A+
Jacques

Anonyme a dit…

Très intéressant ce feuilleton !
merci
Karl

Berit a dit…

c'est un tres beau texte que tu nous donne la,Alain.T'as eu du temps en 2002 a Hauteville.
Le masque,ce qui est devant la face.Notre visage qui est devant notre vrai Nature.Ce visage-masque
que les autres me font porter pour jouer mes roles comme individu dans l'existence.Oui il faut comme meme avoir l'apparence d'une personne pour les autres personnes.
De tout facon le son vient de derriere ce masque,d'ailleurs tout
vient de la.Et l'individu,donc Berit est le megaphone.
Ah ca me fait rire et je suis tout contente,je ne suis pas ce masque...

Anonyme a dit…

Il me revient une expression que je ne comprenais pas enfant :
"Bas les masques", car ceux qui l'utilisaient ne la poussaient pas à fond, donc une ambiguité subsistaient...
Vive le miroir qui aimante le masque, là-bas à xcm, et ici à 0 cm que reste-t-il?
J-P démasquo-petto