dimanche 19 octobre 2008

L’odyssée amérindienne (3)

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À propos de l’éducation et du confort…L’auteur commence par parler d’une petite quechua de trois ans, Victoria :

« Mais Victoria est différente : rien ne semble l’effrayer. Indépendante, elle fait son chemin dans la vie en toute tranquillité. Souvent, elle disparaît pendant des heures, ne revenant que lorsque son ventre crie famine. Alors, sans rien demander, elle va chaparder quelques pommes de terre froides dans une gamelle et se met à les éplucher à l’aide des ses petits ongles sales. Nous nous sommes souvent demandés où pouvait bien passer une enfant de trois ans pendant tout ce temps, jusqu’à ce que, au cours d’une de nos promenades, nous la trouvions en pleine montagne affairée à jouer à la poupée avec sa voisine ! Il faut vraiment peu de choses aux enfants d’ici pour se divertir. Luis s’éprend d’une simple feuille de papier tandis que Reina se passionne pour une pièce de dix centimes et Victoria pour le cochon gris qui traîne dans la cour. Cette facilité qu’ont les enfants de certains pays à s’amuser des moindres détails de la vie vient-elle du fait que leur enfance est en sursis ? À treize ans, Miguel ne joue déjà plus. Lorsqu’il rentre de l’école en milieu d’après-midi, il lave son linge ou va chercher les moutons dans la montagne. Et quand son père s’absente, il devient « l’homme de la maison ». Ses mains sont ridées par le froid et les travaux agricoles, ses pieds chaussés de simples sandales semblent ceux d’un vieillard et ses joues sont couvertes d’une épaisse couche de peau rougie par les éléments. Miguel et ses frères et sœurs sont de futurs adultes, dont l’éducation ne se fait pas tant à l’école qu’à la maison. C’est dans leur foyer qu’ils apprennent leur rôle au sein de la communauté et qu’ils prennent conscience des liens de réciprocité qui les lient à leur famille, à leurs voisins, au reste de la société. Pour les Quechuas comme pour beaucoup de peuples indigènes, l’éducation est un long processus qui ne se termine jamais : des jeux les plus anodins aux travaux les plus lourds, des fêtes les plus arrosées aux échanges amicaux entre voisins, ils apprennent à vivre et à survivre en toute humilité. Ils n’essaient pas de faire croire à leurs enfants qu’ils savent tout. Ils leur laissent la liberté de faire leur propre découverte du monde, partageant avec eux ce qu’ils savent. Entre les générations, la confiance est naturelle, l’attention réciproque.

Comme chaque soir, Miguel et Luis rapportent dans leurs bras les deux derniers-nés du troupeau de moutons pour les faire dormir à l’abri du froid et des prédateurs. Depuis quelques jours, les bêlements d’inquiétude des deux agneaux, ajoutés au choc des gamelles provoqué par les cochons d’Inde à la recherche d’un fond de soupe, nous font passer des nuits plutôt agitées ! Néanmoins, plus les jours s’écoulent et plus j’apprécie cette vie spartiate qui nous oblige à cohabiter avec les animaux, la nature et ces hommes qui semblent nés des montagnes. Plus le froid s’intensifie au-dehors, moins je le ressens. Plus je mange de pommes de terre, plus je les aime. Plus j’observe et écoute ce qui se passe autour de moi, moins je tente de combler le temps de mille activités et détours, et plus mon présent s’épaissit. J’en viens désormais à me demander ce qu’est le véritable confort : de l’eau chaude, de l’électricité, des draps propres et parfumés, une machine à laver, une télévision ? Ou une nuit noire pleine d’étoiles, sans lumière pour la parasiter ; le silence profond des montagnes ; le temps de parler à son voisin, de lui offrir une assiette de pommes de terre quelle que soit l’heure ; la capacité de produire ses propres aliments sur une terre saine ; le contentement de manger sa propre récolte ; la possibilité de travailler pour l’équilibre de sa propre famille et de sa propre communauté, de palper la terre sans trouver qu’elle salit les mains, d’être tout simplement libre de vivre sans peur d’égratigner sa position suprême d’homme au sein du monde ?

L’odyssée amérindienne
Julie Baudin
Ed Glénat p 310-312



3 commentaires:

Anonyme a dit…

"... palper la terre sans trouver qu'elle salit les mains..."
Oui, j'ai humé la terre et je l'ai palpée. Alors les doigts tous crottés et fleurant bon la liberté, j'ai pointé mon index vers les étoiles qui riaient comme des mômes.
Merci Corinne de ce bel extrait qui me rappelle à l'ouvrage : simplifier et aimer !
Isabelle

Julie a dit…

Très bel extrait... trés "parlant"... Merci Corinne ;-)

Anonyme a dit…

Tout,nous avons tout cela que nous cachons sous notre confort.A chaque instant ou nous appuions sur les boutons de nos machines a laver ou que nous ouvrons le robinet d'eau chaude,nous sommes béni et pouvons aller plonger nos mains dans la terre pour le plaisir de faire pousser quelques radis ou allumer une bougie, un baton d'encens ou encore s'allonger dans l'herbe sous les étoiles... (le linge sans bon le propre). Tres bonne journée a vous!
Izabel