Découvrir un sens à sa vie

De notre ami Stéphane :

Bien peu de gens prennent le temps de s’interroger sur le sens qu’ils souhaitent donner à leur existence. Et pourtant, c’est le premier pas à faire si l’on veut vraiment savoir vers quoi se diriger. Faute de cette interrogation préalable, notre vie n’est qu’une suite d’événements incohérents dominée par un mal être, un vide existentiel, que la plupart vont tenter de combler par des addictions de toutes sortes sans jamais atteindre la profondeur de leur être.

J’ai voulu partager avec vous le remarquable témoignage que Viktor E. Frankl rapporte dans son livre « Découvrir un sens à sa vie » qui est paru au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui a été réédité de nombreuses fois depuis.

Viktor E. Frankl (1905 – 1997), psychiatre autrichien, a vécu pendant trois ans dans le camp de concentration d’Auschwitz. C’est au fil de ses trois années de captivité qu’il a découvert, autant pour lui-même que pour les autres, que le fait d’avoir un but et de trouver un sens à sa vie l’aidait à survivre aux conditions inhumaines qui sévissaient alors. Cette recherche de sens a donné naissance à la logothérapie, une approche qu’il a développée et utilisée non  seulement durant sa captivité mais tout au long de sa pratique de psychiatre, où il est question pour chacun de découvrir sa raison de vivre.

Dans la première partie de son livre, Frankl nous rapporte son expérience à Auschwitz et ce qu’il en a tiré en s’observant lui-même ainsi que ses compagnons d’infortune.

«Une des caractéristiques de l’être humain est qu’il ne peut vivre sans penser à l’avenir. Et c’est cela qui le sauve dans les moments les plus difficiles […] Un homme qui ne peut se donner un but tend à s’abandonner à des pensées rétrospectives. Certains ont tendance à se pencher sur le passé afin de mieux supporter le présent vécu comme horrible. Il y a cependant un danger à priver le présent de sa réalité : on néglige ainsi une occasion, qui existe réellement, de tirer de la vie des leçons positives […] Or c’est précisément ce genre de situation exceptionnellement difficile qui donne à l’homme l’occasion de parvenir à une spiritualité plus accomplie. On peut ou bien transformer ses expériences vécues en triomphes - faire de sa vie une victoire sur soi-même - ou bien ignorer tout simplement ces défis et végéter

. » 

« What do you want ? », aurait pu compléter Swâmiji.

Frankl constata que l’argument typique de ceux qui tentaient de se suicider était qu’ils n’attendaient plus rien de la vie.

« L’important n’est pas ce que nous attendons de la vie, mais ce que nous apportons à la vie. Au lieu de se demander si la vie a un sens, il faut se dire que c’est à nous de donner un sens à la vie, à chaque jour, à chaque heure. Et nous devons le réaliser non par des mots, mais par des actes.

Notre responsabilité dans la vie consiste à trouver les bonnes réponses aux problèmes qu’elle nous pose et à nous acquitter honnêtement des tâches qu’elle nous assigne. Et ces tâches, qui donnent un sens à la vie, sont différentes pour chacun et à chaque moment. Ces tâches dessinent le destin de chaque être humain, et font que chaque destin est différent et unique. On ne peut comparer aucun destin et aucune personne. Chaque situation dans laquelle est placée une personne exige une réponse particulière."

Cela rejoint la notion indienne de « svadharma », de tâche personnellement assignée à chacun.

« Personne ne peut accomplir à notre place ce que nous avons à faire. C’est notre singularité qui caractérise chaque individu et qui donne un sens à la vie de chacun. Lorsqu’elle se rend compte à quel point elle est irremplaçable, une personne devient profondément consciente du fait qu’elle est responsable de sa vie. Une personne qui réalise l’ampleur de la responsabilité qu’elle a vis-à-vis d’un être humain qui l’attend ou d’un travail qui lui reste à accomplir, ne gâchera pas sa vie. Elle connaît alors le « pourquoi » de cette vie et pourra supporter tous les «comment » auxquels elle sera soumise. »

Ce livre reste d'une formidable actualité étant donné la perte des valeurs traditionnelles de nos sociétés « modernes ». La méthode proposée par Viktor Frankl, qu’il développe dans la deuxième partie de son ouvrage, s’appuie sur une recherche dynamique pour trouver notre raison de vivre, et devenir ainsi « disciple de la situation et non victime de la situation » selon la belle formule d’Yvan Amar. Les trois voies qui permettent selon Frankl de donner un sens à son existence sont celles de l’accomplissement, de l’amour et de la transcendance, que l’on peut rapprocher des karma, bhakti et jnana yogas.

Ce petit livre de 130 pages, très abordable, qui exhorte chacun à prendre sa vie en mains, se termine sur ces mots : « donc, soyons vigilants ». Quoi de mieux ?

Stéphane Guinard